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1969 - 2009 / 40 ANS De musicothérapie en France - Une fête ; un Opéra en 7 Actes


Edith LECOURT












Edith LECOURT



Le texte de cette présentation, destiné à la Revue de Musicothérapie, est, de fait, aussi une part de témoignage, puisque je suis la seule, de l’AFM, à avoir été présente dans ces années de fondation. C’est aussi ce qui m’a amenée à prendre l’initiative de ces journées.


ACTE I : Une prise de risque

Organiser ces Journées seuls alors que nous avions initialement prévu des journées sur les arts thérapies, et ce, dans le délai très court, deux mois, qui restait après le désistement des collègues qui ont jugé la tâche trop grande, fut, pour nous, une prise de risque importante. Comment arriver à mobiliser les musicothérapeutes en si peu de temps, pour le programme et un public pour la participation ? Mais grâce à tout le défi a été relevé, et prouve que ces 40 années de travail ont mis en place des fondements solides, tant relationnels que scientifiques. C’est donc une humeur de fête qui domine !

Pourtant il faut bien reconnaître que la situation universitaire est particulièrement difficile, les valeurs de rentabilité, de compétitivité, la loi du court terme, ont remplacé nos idéaux et valeurs universitaires que nous croyions inattaquables, et nous voilà aussi dans une situation critique, pour un ensemble de domaines, particulièrement pour les sciences humaines dont font partie les arts thérapies, la musicothérapie. Pour relever encore le défi, nous avons choisi de miser sur l’avenir et de faire intervenir des musicothérapeutes fraîchement formés ayant apporté chacun leur part d’initiative dans leurs recherches : contre les forces destructrices, défendons la créativité où elle se manifeste !

Enfin je voulais encore souligner la grande activité des musicothérapeutes: en l’espace d’une quinzaine de jours tout au plus : Les Journées de Nantes (F.X.Vrait), les Rencontres Artistes et Soignants (A.Fertier) et, surprise, une conférence organisée, dans cette même université, par une collègue de neuropsychologie « Musique et Alzheimer » (A.M.Ergis)! Ceci souligne le fait que, depuis quelques années, la musicothérapie n’est plus le seul fait des musicothérapeutes, mais d’autres disciplines s’en sont emparées (neuropsychologie, musicologie, en particulier), ce qui ne peut que participer à l’élargissement de sa diffusion. Il n’y a qu’à faire référence à l’ouvrage que le Dr. O.Sacks (Sacks, 2008) lui consacre «Musicophilia», ouvrage récemment traduit en français (nous avions fait une présentation sur l’œuvre de cet auteur au cours de précédentes journées, article dans la Revue de Musicothérapie (Lecourt, 2003).


ACTE II : Remerciements

Je ne reprendrai pas ici la liste des remerciements donnée à l’ouverture des Journées, mais évoquerai tous les correspondants qui ont relayé l’information (sur leurs sites, par mails, de bouche à oreille), dont beaucoup de nouveaux participants à ces Journées. Ce renouvellement est essentiel pour l’avenir de notre domaine d’activité et de recherche. Le programme témoigne, justement de cette volonté de renouvellement et d’ouverture. Ces journées ont, de ce fait, plus une dimension de diffusion et d’information que les précédentes journées scientifiques. Il nous a semblé opportun d’utiliser cet anniversaire pour évoquer la scène actuelle de la musicothérapie, de ses acteurs.

Nous avons aussi signalé les nombreux excusés qui ont regretté de ne pouvoir se joindre à nous du fait de ce délai très court.

Enfin, nous avons observé et particulièrement apprécié la bonne humeur qui a régné au cours de cette préparation et de tous ces échanges.


ACTE III : 1969 une équipe

Evoquer cette période de création m’amène à préciser quelques points personnels. C’est grâce à une amie de la famille, dentiste (Mme Bertholat), que j’ai eu l’occasion de participer à un congrès de dentistes en 1968 où je rencontrais le Dr Maurice Gabai. C’est l’occasion de leur rendre hommage. Maurice Gabai y faisait une présentation, avec Jacques Jost, d’un accompagnement musical et sophrologique, préparation à l’acte dentaire. A l’époque,étudiante en licence de psychologie à la Sorbonne (avant la fragmentation de l’université parisienne) et musicienne, j’étais très curieuse des articulations qui me seraient possibles de faire entre ces deux centres d’intérêts. Or Jacques Jost, ingénieur téléphono-vision connaissait un industriel (dont j’ai malheureusement oublié le nom) qui s’offrait à prêter un local pour nos recherches. Je crois bien que sans cette offre nous n’aurions pas pu développer la musicothérapie de cette façon. Ce fut donc le fameux local de la rue des Frères Morane, à Paris, dans le XV° arrondissement. Local petit, vétuste, mais qui nous permit de faire les premières expériences et dans lequel, pour ma part, j’ai profité de mener une expérimentation sur les réactions aux auditions musicales (en parallèle avec un test de personnalité, le 16 PF de Cattell). A partir de ces premières rencontres et travaux s’est créée l’équipe fondatrice du premier centre de musicothérapie. Elle était composée de : Jacques Jost, Maurice Gabai, Marie Aimée Guilhot (psychologue), Jean Guilhot (psychiatre), Michel Estellet-Brun, organiste, et moi-même. Je pense qu’aucun des participants de ces Journées n’a connu cette période, c’est pourquoi je me suis permis de donner ces quelques précisions. Jacques Jost avait, précédemment, participé, en tant qu’ingénieur, à une recherche de Pierre Schaeffer.

Ce n’est qu’un peu plus tard, devant l’intérêt croissant pour cette approche, et les demandes de formation que nous commencions déjà à recevoir, que nous avons décidé de créer l’Association de Recherche et d’Applications des Techniques Psychomusicales (ARATP), en 1972. Nous n’avions pas utilisé le terme de «musicothérapie» afin de ne pas être en difficulté avec le milieu médical. Ce qui laissait aussi ouverte d’autres approches plus orientées vers la relaxation, la sophrologie (Dr Maurice Gabai) ou encore des pratiques plus psychopédagogiques (rares à l’époque). Jacques Jost était aussi très intéressé par une dimension plus commerciale (disques et appareils - le somnophone, par ex. -).

Photo 1 : avec Mme le Dr Bertholat au congrès des dentistes 1968


Photo 2 : une photo du congrès francophone de musicothérapie que nous avons organisé en 1977 qui montre l’équipe fondatrice.

De gauche à droite : Dr Maurice Gabai, Dr Jean Guilhot,

Dr Pierre Pennec (est arrivé plus tard, en 1974) Marie-Aimée Guilhot,

Edith Lecourt et Jacques Jost (il manque Michel Estellet-Brun)


ACTE IV : Première formation et premier congrès mondial de musicothérapie

A partir de l’association, les activités pouvaient se développer. Nous avions déjà reçu un certain nombre de demandes de formation. Les premières sessions furent mises en place en 1972. Parmi les premiers inscrits se trouvaient notamment des médecins généralistes, les Drs Gay et Andjelkovic. Vinrent ensuite les Drs Jacqueline Verdeau-Paillès et Pierre Pennec, tous deux directeurs de services de psychiatrie, respectivement à l’hôpital de Limoux et à l’hôpital de La Roche sur Yon. Ces deux services furent les premiers pôles de développement de la musicothérapie

Je m’informais sur ce qui se passait à l’étranger et j’avais trouvé un congrès en Suisse (Lenk), un autre en Autriche (Salzbourg), et un séminaire à Berlin. J’assistais à ces manifestations et c’est à Berlin que les discussions dans un petit groupe de musicothérapeutes m’amenèrent à proposer d’organiser le premier congrès mondial à Paris. Ce petit groupe était composé de :

Harm Willms (d’Allemagne de l’Ouest, psychiatre, musicien), Darko Breitenfeld (de Yougoslavie, psychiatre, musicien), Angela Fenwick (de Grande Bretagne, musicienne), et Alfred Schmölz (d’Autriche, musicien). Tous, comme moi, pratiquaient la musicothérapie et la développaient dans leurs pays.

La préparation de ce congrès fut une aventure extraordinaire, car il y avait tout à faire, les musicothérapeutes des différents pays ne se connaissaient pas, et, pour la plupart, ignoraient même l’existence d’autres musicothérapeutes ailleurs (le narcissisme toujours si actif amène à penser qu’on est les premiers, voire les seuls !) Malgré la grève de la poste une semaine avant le congrès, une vingtaine de pays étaient représentés dans ce congrès organisé en 1974 à l’Hôpital de La Salpêtrière. J’organisais en même temps une exposition de peinture à la chapelle de l’hôpital : exposition sur les peintres musicalistes (j’avais rencontré une galeriste spécialisée). L’ouverture de cette exposition a été faite avec le Dr Ferdière (psychiatre très connu, notamment pour ses liens avec le surréalisme). Il y avait 400 participants. Nous avons profité de faire des workshops avec R.Benenzon (d’Argentine), notamment. Ce fut un grand moment fondateur. Quelques participants de nos Journées y étaient déjà présents.

Vous en trouverez quelques documents sur le site : www.voices.no


Est-il besoin de le rappeler ? Peut-être puisque de nombreux nouveaux participants se trouvent parmi nous : la musicothérapie a toujours existé et dans toutes les cultures, sous des formes diverses. En France elle a eu un premier développement important aux origines de la psychiatrie. Le docteur Philippe Pinel a proposé d’associer l’art, la musique en particulier, au traitement des aliénés, et ce dès sa thèse de 1801 ! Ses disciples, jeunes psychiatres, ont expérimenté différentes formes de musicothérapie au cours de la première moitié du XIX° siècle (chœurs, concerts avec les premiers élèves du conservatoire national, orphéons). On retrouvera ces éléments historiques dans «Découvrir la musicothérapie» et un certain nombre d’articles sur le sujet : (Lecourt, 2005)

Depuis les années 1970 la musicothérapie s’est progressivement institutionnalisée : les musicothérapeutes se sont organisés en associations et sociétés et ce dans tous les pays, les formations se sont développées, dont certaines à l’université. Il existe maintenant des doctorats spécialisés en musicothérapie.

Photo 3 : Congrès Mondial de musicothérapie 1974 à l’hôpital de la Salpêtrière


ACTE V : 1971 : la musicothérapie et les arts thérapies, encore plus d’ouverture…

C’est le Docteur Claude Wiart à l’Hôpital Sainte Anne où il développait les arts plastiques comme art thérapie qui nous a invités à faire une présentation d’une demi-journée dans un amphithéâtre. Pour cela j’avais passé de longues heures à la bibliothèque du CNRS pour faire une étude historique des auteurs, articles etc. sur la musicothérapie. C’est d’ailleurs cette étude qui m’avait donné les noms de collègues étrangers que j’avais contactés pour organiser le premier congrès mondial (il n’y avait pas Internet et encore moins Google !). J’y trouvais déjà 101 références sur le sujet. J’en présentais une synthèse à cette assemblée. C’était ma toute première conférence et je m’en rappelle bien car j’ai eu l’honneur d’être immédiatement agressée par un personnage remarquable le Dr Ferdière, déjà évoqué, qui fit une intervention théâtrale.

C’est aussi grâce à Claude Wiart que nous avons pu publier dans la revue Expression et Signe qu’il avait créé, un fascicule consacré à la musicothérapie (chaque fascicule de cette revue trimestrielle correspondait à une forme artistique, elle en comportait quatre). Malheureusement cette publication n’a pas duré longtemps.

Nous avons ensuite publié un Bulletin de L’ARATP précurseur de La Revue de Musicothérapie créée par l’Association Française de Musicothérapie fondée en 1980 et qui a pu fonctionner durant ces bientôt 30 années grâce au travail incessant de l’équipe de l’Hôpital de La Roche sur Yon, particulièrement Jean-Luc Baillot, et, maintenant, Jean-Luc Mutschler, avec l’aide de secrétaires très dévouées et compétentes.

Que de changements depuis ces années !

Changement dans l’image de la musicothérapie dans le public et dans les médias, mais aussi dans les milieux professionnels ; changement dans les formations et les pratiques, élargissement des applications etc.

Nous avons le plaisir de pouvoir déjà annoncer plusieurs manifestations à venir :

- La Revue de Musicothérapie paraîtra d’ici quelques mois sur Internet (en plus de la parution papier habituelle), grâce à la collaboration du Pr. Jean-Michel Vivès de l’Université de Nice.

- Une journée de musicothérapie est organisée à Paris le vendredi 6 novembre 2009, autour de deux thématiques : les bilans de musicothérapie, et les relations entre œuvres d’opéra et musicothérapie. Renseignements et inscriptions auprès de Jocelyne Houry-Soner (secrétariat de la Formation Continue de Paris 5).

- Les XX° Journées Scientifiques de Musicothérapie seront organisées en Tunisie, par le Professeur Mohamed Zinelabidine, en 2010.

- En 2011 la Revue de Musicothérapie fêtera ses 30 ans d’existence à La Roche sur Yon, manifestation organisée par Jean-Luc Mutschler.

En conclusion : Maintenant que la rentabilisation est devenue le maître mot dans l’éducation comme dans les soins, que s’accélère la distribution des potions et se réduit au minimum le temps des soins, la musicothérapie reste une approche qui met en avant la dimension humaine, relationnelle. Ne la laissons pas se réduire à des exercices adaptatifs ou à une reprogrammation neuronale. Sachons continuer à défendre, dans ce contexte, la part du subjectif que la musique sollicite et fait résonner en chacun de nous.



 

Bibliographie

- Découvrir la musicothérapie [Livre] / aut. Lecourt.

- Paris : Eyrolles, 2005.

- La musique dans l’oeuvre d’Oliver Sacks ;

la musique et la maladie [Article] / aut. Lecourt Edith //

La Revue de Musicothérapie. - [s.l.] : AFM, 2003. - 1 77-87 : Vol. XXIII.

- Musicophilia [Livre] / aut. Sacks Oliver. - Paris : Seuil, 2008.


NB. Une partie des interventions du congrès peuvent être consultée sur la médiathèque de l’Université Paris Descartes, aller sur «ressources pédagogiques» et “médiathèque”

ou : http://mediatheque.parisdescartes.fr/

aller à « psychologie »


NB. Cet article est paru dans La Revue de Musicothérapie, volume XIX, N°, 2009


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