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Dictionnaire Critique De L’IMPENSE Culturel

Pr. Mohamed ZINELABIDINE








Pr. Mohamed ZINELABIDINE


Ministre tunisien des affaires culturelles 2016-2020

Directeur de la Culture et de la Communication à l’ICESCO

 

 

Pour présenter le « Dictionnaire critique de l’Impensé culturel », il y a lieu de rappeler qu’il compte trente-quatre auteurs de seize nationalités et plus d’une soixantaine de textes répartis sur cinq ouvrages. Il célèbre « les Journées » de la philosophie, des futurs, de la femme, des droits de l’homme, du théâtre, de la musique… non pas parce qu’elles sont convenues dans les calendriers onusiens. C’est que L’ICESCO a conscience que ces journées pourraient être un prétexte « d’une herméneutique pour repenser le monde et agir sur ses lendemains », selon modalités, acceptions et paradigmes. L’ICESCO voudrait ainsi agir à partir du monde qui l’exprime, et dont découlent cinquante-trois pays des trois régions arabe, africaine et asiatique, témoins d’une richesse multiple et plurielle, pour ainsi agir sur le monde en général, pour y être en présence et réaction. Et davantage marquer sa volonté afin que son monde s’ouvre et soit en phase avec l’humanité toute entière, au prisme du singulier comme au pluriversel. Ce dessein peut paraître chimérique, dès lors que l’humanité choisit de manquer d’humanisme, et nourrir les extrêmes, faisant de la prédation des plus démunis un instrument qui court à toutes les fins, laissant triompher les intérêts de certains, et assujettir, voire bannir ceux des autres.


C’est justement qu’ici qu’intervient la prévalence de la « Culture » contre l’amnésie de l’histoire, l’occultation, l’homogénéisation, la standardisation, la modélisation, la banalisation. La culture entend constamment agir en faveur de « l’Esprit ». «  pour repenser le monde », et incarner ses mondialités, référentialités, identités, personnalités... dans l’espoir de plus d’inclusion,  de justice, de paix et de liberté partagés, loin de toute discrimination et précarisation. C’est autant de raisons - et il en manquerait d’autres - qui font sens du devoir de pérenniser, si justement par, et grâce à « la Culture », des valeurs essentiellement et courageusement portées par la philosophie, les futurs, la femme, les droits humains, le théâtre, la musique, les arts, les lettres et j’en passe.


Déjà en 2022, et pour la première fois à l’ICESCO, c’était autour de « La Journée mondiale de la philosophie », pour que le 18 novembre 2022 fasse écho à sa création depuis la « Conférence générale de l'UNESCO » de 2005. Egalement, nous avons lancé « ICESCO Roads For The Future » afin de consolider une orientation qui l’a précédée par le lancement de la « Chaire ICESCO de Philosophie », en 2021, sur « Penser le vivre-ensemble ». Elle est depuis dirigée par le Professeur et érudit penseur tunisien Fathi TRIKI, parfaitement intégrée à l’esprit du « Réseau International des Chaires sur la Pensée, le Patrimoine, les Lettres et les Arts », promu en 2021 et couvrant dix chaires scientifiques et culturelles réparties entre Genève, Paris, Berlin, Tunis, Kenitra, Fès, Dakar, Rio Grande Do Sul Porto Alegre, Beyrouth… Pourquoi avoir choisi des capitales occidentales ne faisant pas partie des pays membres ? C’est pour que notre parole ne soit pas monologue, ou suffisance à soi, selon un principe simple qui est celui de connaître et nous faire connaître, entendre et nous faire entendre, apprendre des autres et les instruire en même temps,pour nous mettre au diapason de ce qui est différent historiquement, linguistiquement, religieusement, traditionnellement, intellectuellement, sensiblement, émotionnellement… Dans le même esprit, et pour la première fois aussi, l’ICESCO a célébré « La Journée mondiale du théâtre », le 27 mars 2022. Ces deux décisions augurent d’une meilleure participation au débat pluriel, en vue d’un meilleur ancrage autour des valeurs essentielles communes que sont la diversité, la liberté, le vivre-ensemble, la tolérance et la paix dans le monde. Ce dont L’ICESCO est véhiculaire, voire missionnaire, dans ses nouvelles orientations et missions stratégiques.


Alors que L’UNESCO a choisi de célébrer « La Journée mondiale de la philosophie 2022 » en s’associant avec Le Fresnoy - Studio national des arts contemporains pour organiser un symposium et une exposition sur le thème  « L'Humain qui vient », au siège de l'UNESCO à Paris, l’ICESCO a choisi d’éditer ces ouvrages sur « L’Impensé culturel » qui portera la voix d’éminents artistes, philosophes, praticiens et chercheurs dont Fathi TRIKI, Gérard PELE, Mohamed ZINELABIDINE, Khalifa CHATER, Ahmed KHALED, Benjamin BROU, Eliane CHIRON, Abderrahman TENKOUL, René PASSERON, Geneviève CLANCY, Joël HEUILLON, Jean-Jacques VELLY, Rachida TRIKI, Eleni LAZIDOU, Babacar DIOP, Sandra REY, Ludivine ALLEGUE et Michèle BRONDINO, afin de continuer à croire et à agir ensemble à un monde meilleur, vivable et largement vécu, où triomphent la solidarité, le respect, la pluralité et l’humanisme durables.


Alors que l’ICESCO choisit de fêter « La Journée mondiale de la philosophie » ce 18 novembre 2024, pourquoi rappeler ces journées ? C’est que notre monde actuel oscille et abonde, hélas, entre des supposés contraires, voire antinomiques. Choc et/ou dialogue, alliance et/ou défiance, monde judéo-chrétien et/ou monde musulman, tradition et /ou modernité, progrès et/ou regrets, modernité et/ou postmodernité, ruptures et/ou continuités, devoir et /ou intérêt des Etats, Orient et/ou Occident... Il est un fait saillant, il y a trop d’oppositions et de confrontations qui secouent notre réalité, elles sont d’un ordre éminemment politique. Il en est une particulièrement insistante, à savoir celle qui relève de la suspicion vis-vis de l’Islam et des Musulmans. Ce qui devient un conditionnement, voire un substrat intentionnel que certains faits justifient et d’autres infirment. Il est donc établi que l’ICESCO, en tant qu’Organisation internationale relevant du monde de l’Islam et des Musulmans, se référant à l’éducation, la science et la culture, veuille creuser la réflexion et l’interprétation sur les raisons et déraisons récurrentes à de tels faits.  


▶︎En premier lieu, alors que les pays musulmans riches ne peuvent surseoir au renforcement du croît économique et scientifique des pays occidentaux les plus développés, ces derniers crient au choc des civilisations qui serait dû, en grande partie, selon eux, à l’islamisme réactionnaire et réfractaire. Y a-t-il déjà ambiguïté, confusion ou intention délibérée de noyer l’Islam dans l’Islamisme et d’en faire cette image réductrice et rédhibitoire assimilée au fanatisme et au terrorisme ?


▶︎En deuxième lieu, l’Occident devrait-il s’en méfier ? Alors qu’il l’a expérimenté, redouté, et parfois encouragé, dans des stratégies scissionnaires, pour et par la portée revendicatrice de ses actes politiques, ses organisations militaires et son engagement sur le terrain des conflits .


▶︎En troisième lieu,  faudrait-il différencier distinctement l’Islam culturel, civilisationnel de son acception politique, prolifique et stratégique ; sujet à de nombreuses lectures et interprétations de l’histoire. Cela vaut pour autant aux deux autres religions monothéistes, Judaïté et Chrétienté, où il revient de nuancer différents niveaux d’analyse spirituelle et politique. C’est pourquoi condamner le monde musulman au regard des fractions extrémistes religieuses minoritaires qui s’en prévalent des fois est un tant soit peu réducteur de sa portée plurielle, culturelle et intellectuelle largement plus importante, comme en jugent la pensée gréco-arabe, le péripatétisme…


▶︎En quatrième lieu, en a-t-on bien saisi, compris et interprété autant la culture que la civilisation, la psychologie, les valeurs fondatrices, sans préjugé ni caricature ? Ou les a-t-on cernées selon des critères d’analyse extrinsèques, détournés de leurs éléments véhiculaires ? Une question pour le moins persistante : a-t-on vraiment compris l’Islam en dehors et au-delà des idées de l’orientalisme et de l’exotisme ou de la barbarie qu’il finit immanquablement par susciter chez certains Occidentaux ? Je m’interroge, au risque encouru de voir l’Occident autant que les Occidentaux résolument décidés à considérer que l’Islam autant que les Musulmans leur sont totalement différents, donc hostiles, ce qui suppose un problème de lexique civilisationnel et culturel qu’il s’agit de réinventer comme une nouvelle herméneutique d’interprétation des codes et des usages en place.


▶︎En cinquième lieu, faudra-t-il circonscrire ce qui relève de l’arabité et de l’Islam, mêlés, il faut bien dire, pour un certain entendement géopolitique à des significations qui ne les nuancent que très peu. L’Islam s’est étendu en réalité du Golfe arabo-persique à l’Atlantique, de l’Océan indien au Caucase et en Asie centrale pour s’étendre vers l’Occident jusqu’à l’Europe de l’Est et de l’Ouest. Le choc est donc d’un intérêt géostratégique, en plus de sa nature idéelle et culturelle, il entend prévoir les thèses à même de menacer l’ordre politique mondial, sa réserve et son action. Toutes les idées réfractaires seront jugées ou préjugées, ne s’accommodant guère du prédit ordre globalisant. Même si cet ordre se veut parfois ardemment au bénéfice de ce qui lui reviendrait de force, il ne nous revient pas ici de porter des jugements et d’en dresser un bilan. Encore moins de déplorer des pages conflictuelles de l’histoire brumeuse de ces mondes. Mais simplement de revenir sur la thèse du conflit des civilisations de la fin du XXè.s pour désigner l’Islam comme étant au cœur de tous les maux dont serait victime l’Occident.

C’est Ali Abderraziq qui rappelle que le monde de l’Islam recouvre en fait une réalité historique et géographique beaucoup plus vaste que le monde arabe. Celle-ci ne s’apparente pas seulement à l’Islam. L’Islam intègre des pays où l’arabe n’est pas pratiqué, en Malaisie, Indonésie, Inde, Pakistan, certains pays de l’ex-URSS... Encore faut-il donc élucider ces prises de position, remonter aux sources de ce conflit double d’intérêt et de culture. Et tenter d’approcher - en dépit de la grande difficulté de ce faire - les mobiles d’un problème persistant, avec le moins de ferveur. Ce qu’on peut retrouver entre autres contributions dans plusieurs ouvrages et documents bibliographiques dont « L’Islam au temps du monde », de Jacques Berque, « L’Islam moral et politique » de Mohamed Arkoun, Henri Corbin et « Histoire de la pensée islamique », Hanna Fakhouri dans « Târîkh al-falsafa al-‘arabiyya » (Histoire de la philosophie arabe) ou Brahim Maqdour, traitant de « L’organon d’Aristote dans le monde arabe », pour une liste bien plus longue et pas assez exhaustive. Ce qui frappe dans cette liste, c’est la contradiction des thèses, la perplexité des faits, leur antinomie, rapportées au particularisme du monde arabo-musulman, relativement à ce qu’il compte comme identités et psychologies distinctives, non assimilables, car différentes des repères des personnalités et des cultures occidentales. Autant de revers qui risquent de rendre complexe l’entendement de ces mondes.


▶︎En sixième lieu, le monde de l’Islam est-il capable d’intégrer les valeurs de la modernité, sans renoncer à ses particularités culturelles propres, linguistiques, patrimoniales, cultuelles assez conservatrices ? Est-il à même de développer et de faire évoluer ses immuables représentations de la société et des codes qui les régissent, selon ceux d’un droit universel, prônant des valeurs humaines ? Enfin, quelle notion de « Liberté » dans l’Islam au regard de son histoire ? Cette dernière pourrait-elle devenir en phase avec l’esprit du temps moderne, pour un Zeitgeist évolutif et plus adapté ? Question cruciale, horizon possible ou improbable ? On ne manquera, pour autant, d’épiloguer sur les mobiles de tels fronts et affronts géostratégiques qui sévissent de toutes parts, irrévocablement. Une hégémonie exercée, par le pouvoir, pour l’autorité suprême et l’intérêt de l’Etat, aux pas et aux sons ravageurs des guerres, des conquêtes, des impératifs et des devoirs de subordination. Pourtant, les cultures humaines ont souvent été portées par le rayonnement des idées, de la pensée et des lettres. Elles ont souvent été exaltées par la richesse de la passion, la revendication de l’amour, le besoin de l’autre différent et semblable, empruntés par le cours du temps et de la vie, depuis toujours, au sein de toutes les religions, et en dehors, entre Islam, Judaïté, Chrétienté et toutes sortes de religiosité et de spiritualité. Massignon, Gardet, Hugo, Goethe, Blachère, Senghor, Triki et j’en cite, n’ont jamais manqué à cette belle rencontre et réplique du vivre-ensemble des mondes de la diversité vers les Orients, depuis les Occidents, s’acheminant vers l’Afrique, l’Asie… tant qu’il est encore possible d’édifier un esprit humaniste, ayant conduit la science, le sens, l’intuition, l’émotion, l’intelligence et le beau. Il a pu prendre place dans l’histoire, et agir sur un présent au devenir pluriel et enjolivé, sans exclusive ni préjugé.  Ainsi donc, nous abordons dans cette nouvelle collection les futurs, la femme, les droits humains, comme sensibilité à l’essentiel ; soit l’humanisme qui semble de plus en plus manquer à un monde qui a besoin de (re) civilisation plutôt que (dé) civilisation !

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