Ludivine ALLEGUE
Artiste-peintre, Docteur en Arts
et sciences de l’art de de Paris I-Panthéon Sorbonne
Je suis là. Mais la voix s'arrête au seuil de mes lèvres. Elle a parcouru ce qui sépare mon centre de l'écran qui me regarde. Puis je l'ai tue: enfermée, la.
Tout a été vide sur une surface délimitée et silencieuse. C'est la vision qui a génère la nécessite du geste. Pourtant la voix a préféré n'être contenue que dans la seule surface délimitée de la toile ou du papier. Elle est passée d'un corps à l'autre et d'un silence à l'autre. Rien ni personne d'autre ne contient ma voix.
Je suis donc seule.
Je suis ce vide limite entre mon centre et l'écran qui ne regarde que moi. Et c'est dans ce vide, et celui-là seul, que je suis descendue. C'est un escalier sombre et parfois je le descends en courant et en sautant des marches. La plupart du temps il fait nuit. Seule la rampe de la méthode est la en guide: elle n'est pas d'un Bois précieux. Elle est d'un matériau ordinaire et d’une couleur indéfinie qui autorisent l'Irrévérence. Et peut-être irrévérencieuse, je m'y tiens, néanmoins, et ne tombe pas dans ma course.
Ma nuit est le réceptacle de ma voix. Cette intimité est nécessaire pour que je voie en moi. C'est une confrontation incontournable et dont le prix est d'être méconnue. Car ceux que je ne cherche pas à atteindre de ma voix, parfois, parlent de moi. Et je ne me reconnais pas dans leur mots, ni dans leurs yeux. J'ai vu dans les yeux d’êtres que j'admire une méconnaissance qui ne m'a pas blessée car elle est mon fait. Mais cette méconnaissance est douloureuse car elle cimente la vraie solitude. J'attendais le moment opportun pour un jour leur dire "voilà qui je suis". Deux fois: trop tard. Je construis ce moment, toujours. La voix est là, imprimée dans la fixité, contenue dans le cadre: prête à être vue, prête à être lue.
Je suis là. Et ma voix plane au seuil de tes lèvres. Elle vient de mon centre et le souffle l'a portée jusqu'à toi. Tu me regardes. Réservée, je ne me tais pas. Après ces années de silences, le souffle, finalement, trouve sa voix.
Elle m’étonne et je ne la reconnais pas encore. Faite de souffle, de vibrations, de fragilités, sans doute trahit-elle encore un peu la couleur et l'écrit. Mais de même que le silence, elle s'est imposée. Une voix s'est soudain éteinte mais, encore, me parle. De ce non-silence aussi, émerge l'autre voix qui se souvient.
J'ai embrassé le vide illimite qui contient et entoure toutes les choses. J'aspire à devenir ce vide pour pouvoir être l'Autre et son contraire. Je veux atteindre de ma voix les solitudes. Dénuder les regards.
La voix passe d'un corps à l'autre pour être entendue. Je suis maintenant prête à te recevoir.
Un mouvement a fait son entrée. Le montage reste cependant de l'ordre de la fixité bien que la narration soit séquentielle. Elle se déroule selon une spirale. La structure évolutive du récit donne le temps à l'entendement. Le mouvement du cadre, des formes et des sons, permettent à l'entendement d'assister à la transformation progressive de la vision.L'image. Une montre la transformation dans sa chair. Elle est non évolutive et exige que le mouvement soit contenu dans la fixité du cadre, du trait et de la couleur. Retrouver la chair de l'Un dans l'image en mouvement. M'affranchir de la forme et montrer ce que le mondeSensible ne permet pas à l’œil de percevoir. Et pour cela, tâcher d'entendre la lumière que toute chose contient.Ma nuit est l'origine de ma voix. Au gré de mon souffle, je vois, j'entends et je dis. Ma voix est là. Elle flue le long du vide et j'essaie de m'unir et toujours Devenir.
M'as-tu entendue ?