Argumentaire N°2 du Projet
Pr. Mohamed ZINELABIDINE
Directeur de la Culture et de la Communication/ ICESCO
Ni « La Fin de l’histoire » de Francis Fukuyama, ni « Le Choc des civilisations » de Samuel Huntington ne sauront rajouter davantage à une réalité suffisamment amère, entre pouvoir et contre-pouvoir, guerres et résistances. De « La fin de l’histoire», se réalise l’hypothèse de l’unité du monde allant inéluctablement, irrémédiablement, irréversiblement vers la modernité libérale. Francis Fukuyama en précise les contours et la critique : « Au début de 1999, Owen Harries, éditeur de the National Interest, m’a demandé d’écrire un bilan rétrospectif à propos de mon article - La fin de l’histoire - qu’il avait publié en été 1989. Je soutenais dans cet article que Hegel avait eu raison de dire que l’histoire s’est achevée en 1806, puisqu’il n’y avait pas eu de progrès politique essentiel au-delà des principes de la Révolution française dont il voyait la consolidation dans la victoire de Napoléon à la bataille d’Iéna, cette même année. L’effondrement du communisme en 1989, marquait simplement le dénouement d’une plus vaste convergence vers la démocratie libérale à l’échelle mondiale.» Une idée post-Hégélienne, selon certains politologues, qui suppose que modernité rime avec libre échange, capitalisme et démocratie libérale. Horizon historique ultime, selon Fukuyama et pensée humaine digne des temps actuels. L’intérêt des deux ouvrages consultés, « La Confiance et la Puissance », et « La fin de l’homme », du même auteur, confirment les thèses suivantes. A priori, la politique mondiale est de la responsabilité, de l’engagement et de l’action uniques de l’Occident démocratique libéral envers le monde.
C’est Fukuyama qui écrira: «Les attaques terroristes du 11 septembre 2001 contre les Etats-Unis ont soulevé de nouveaux doutes sur la thèse de la fin de l’histoire, cette fois au motif que nous assisterions pour reprendre la douteuse formule de Samuel P. Huntington) à un véritable choc de civilisations, entre l’Islam et l’Occident. J’estime pour ma part que ces événements ne prouvent rien de tel et que le radicalisme qui a lancé ces attaques est une section d’arrière-garde désespérée, qui sera dépassée un jour par la marée montante de la modernisation.»
Question cruciale, horizon possible ou improbable ? On ne manquera, pour autant, d’épiloguer sur les mobiles de tels fronts et affronts géostratégiques qui sévissent de toutes parts, irrévocablement. Une hégémonie exercée, par le pouvoir, pour l’autorité suprême et l’intérêt de l’Etat, aux pas et aux sons ravageurs des guerres, des conquêtes, des impératifs et des devoirs de subordination. Pourtant, les cultures humaines ont souvent été portées par le rayonnement des idées, de la pensée et des lettres. Elles ont souvent été exaltées par la richesse de la passion, la revendication de l’amour, le besoin de l’autre différent et semblable, empruntés par le cours du temps et de la vie, depuis toujours, au sein de toutes les religions, et en dehors, entre Islam, Judaïté, Chrétienté et toutes sortes de religiosité et de spiritualité. Massignon, Gardet, Hugo, Goethe, Blachère, Senghor, Triki et j’en cite, n’ont jamais manqué à cette belle rencontre et réplique du Vivre-ensemble des mondes de la diversité vers les Orients, depuis les Occidents, s’acheminant vers l’Afrique, l’Asie… tant qu’il est encore possible d’édifier un esprit humaniste, ayant conduit la science, le sens, l’intuition, l’émotion, l’intelligence et le beau. Il a pu prendre place dans l’histoire, et agir pour un présent au devenir pluriel et enjolivé, sans exclusive ni préjugé.
« ICESCO INTERNATIONAL THINK THANK, LA CULTURE POUR REPENSER LE MONDE » exprime une volonté que ce monde soit vraiment multiple et recomposé, enorgueilli d’idées, de réalités, de nouvelles acceptions et de valeurs autrement partagées. Celles d’une humanité respectueuse de sa diversité, de sa justice, de son égalité. Une Culture qui agit non point pour « la » mondialisation, « l’» homogénéisation, « la » standardisation, « la » modélisation, « la » banalisation. Elle incarnerait, plutôt, « des » mondialisations, « des » références, « des » identités, « des » personnalités. Une culture, des cultures de l’inclusion, contre toutes formes d’injustice, de discrimination et de précarisation. Une Culture pour un monde de paix et de liberté.