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La culture au temps du Covid


Somia Djacta






Somia Djacta


Sociologue, politologue


Cheffe du Bureau de l’ICESCO auprès de l’UNESCO




Le titre est un peu présomptueux, je le concède. L’œil averti y verra certainement un lien avec le roman de Gabriel Garcia Marqués mais cette représentation est de rappeler que dans les moments les plus sombres de l’humanité, le puissant souffle de la vie a toujours triomphé pour laisser exprimer l’exaltation, la résilience, l’envie d’exister, de s’exprimer et de créer tout simplement.


Avec la pandémie de la COVID-19, l’humanité s’est vue confrontée à une crise sanitaire mondiale sans précédent dont les conséquences se révèlent économique, sociale et psychologique. Bien qu’elle ait provoquée un questionnement soudain et brutal du monde moderne, elle laissera, sans doute des interrogations quant à la manière de concevoir le monde de demain. Ne laisser personne sur le banc, ajuster son assistance aux Etats membres, déployer tous les moyens à disposition afin de traverser cette période en réduisant l’impact des préjudices, tels sont les défis à venir.


Les gouvernements du monde se sont vus contraints de prendre des mesures drastiques pour contenir le virus et couper sa chaine de transmission en réduisant la liberté de circuler et en interrompant les dynamiques économiques mondiale.

Comment remettre la culture au cœur du développement pour renforcer une cohésion sociale altérée par des mesures de distanciation dites sociale, qui, au lieu de susciter un sentiment d’appartenance à un destin commun, ont provoqué méfiance et isolement.


Dès les prémisses de la crise, des Organisations internationales, régionales et nationales ont pris des mesures rapides pour déployer des efforts sans précédent afin d’encourager des initiatives innovantes dans le domaine culturel et en offrant un espace de réflexion aux leadeurs du fait culturel à travers le monde pour comprendre les défis d’aujourd’hui et anticiper des solutions relevant du possible.


En temps de crise, l’une des difficultés majeures auxquelles font face beaucoup d’instances est la difficile mission de la collecte de données. L’anticipation des solutions est conditionnée par la quantité de données qui ne sauraient aider à esquisser un plan de sortie de crise que si elles sont fiables. Cette difficulté est d’autant plus exacerbée avec la pandémie de la Covid-19 à cause du manque de recul et le laps de temps court avec lequel cette pandémie a changé la face du monde.


De nombreux pays, organisations internationales et non gouvernementales ont engagé des processus d’évaluation de l’impact des conséquences la Covid-19 sur le secteur culturel dans le but d’analyser la situation dans son ensemble. Cependant la tâche s’avèrera ardue du fait de la complexité des composants du secteur de la Culture dont l’impact s’étend au-delà du quantifiable économique puisqu’il touche à l’identité même des communautés.


Ainsi, les mesures de confinement liées à la pandémie ont contraint beaucoup de citoyens du Monde Islamique à vivre un mois du ramadhan sans animations culturelles. Ce scénario est susceptible de se renouveler encore. L’interdiction du pèlerinage, traditionnellement pratiqué en cette période sacrée s’est rajoutée à la longue liste des pertes qui ne relèvent pas du domaine du quantifiable.


Tout en restant prudents, la disponibilité de quelques agrégats permet d’affirmer que la situation du monde de la culture suscite l’inquiétude et appelle à une réaction qui s’inscrit dans une action globale.


En effet, selon l’UNESCO, plus de 90% des pays ont fermé leurs sites du Patrimoine mondial, 50 millions d’emplois seraient menacés dans le secteur du tourisme culturel selon la Banque Mondiale et les moyens de subsistance des professions culturelles sont actuellement menacés à un point jamais atteint au paravent.


D’autre part le secteur touristique, partenaire traditionnel du secteur de la culture, a vu ses bénéfices chuter de manière vertigineuse. Sans doute un des secteurs de l’économie mondiale les plus touchés, le tourisme mondial a connu une chute de 22 % des arrivées au premier trimestre 2020 et a enregistré une perte de plus de 74 milliards USD, selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT). L'industrie du tourisme dans la région Arabe a été durement touchée depuis le début de la pandémie de Covid-19. Le manque à gagner de ces six derniers mois s’élève déjà à plusieurs milliards de dollars. Depuis de nombreuses années, le tourisme dans la région a joué un rôle essentiel dans la création d'emplois et la dynamisation des économies locales.


La situation des musées n’est pas en reste. Le Conseil international des musées (ICOM) estime, dans son rapport d’avril 2020, que presque tous les musées du monde ont été fermés en raison de la pandémie. Ils ont tous dû réduire leurs activités. Près d'un tiers des musées réduira sa taille, alors que plus d'un sur dix sera probablement contraint de fermer définitivement. Ces fermetures potentielles sont d’autant plus alarmantes qu’elles toucheront particulièrement les régions où les musées sont récents et rares et où les structures sont encore fragiles.


Dans la région arabe 39% des musées risquent la fermeture définitive, contre seulement 12% en Amérique latine et Caraïbes, 10% en Amérique du Nord et 8% en Europe.

Cependant, dans cette tourmente, la résilience n’a jamais été autant et aussi présente. Stimulée par l’adversité, la créativité de l’humain a toujours su se réinventer, pour offrir le meilleur d’elle-même et être au cœur du renouveau et du progrès. Ainsi au plus fort de la pandémie, l’humanité a répondu présente et de nouveaux mouvements artistiques ont émergé laissant place à la créativité et au génie humain. De nombreux Gouvernements et Organisations internationales sont restés à l’écoute des citoyens du monde pour leur fournir de nouvelles plateformes d’expressions.


Pourtant, les crises sont porteuses de changement ; des opportunités qui appellent à un changement de paradigmes. Parce qu’elle a mis en exergue les défaillances des modèles existants tels que le modèle de la santé, de la recherche ou le modèle économique dans son ensemble, le temps de cette crise en particulier est devenu un Momentum pour revoir certaines notions, à travers l’échelle des valeurs.


L’Agenda 2030, à travers les Objectifs du développement affirme que la disponibilité de contenu culturel contribue à la santé mentale et au bien-être de l’être humain.


Toutefois, le défi majeur que devait relever les Etats et gouvernements du monde était d’ouvrir le monde de la culture sur des populations confinées, en garantissant contenu culturel de qualité, varié et abordable.


Il est donc primordial de soutenir toutes les actions en faveur d’un accès égal à la technologie pour éviter d’exacerber l’exclusion des plus pauvres, ce qui aurait pour effet de creusé le faussé numérique, réduire la diversité culturelle et d'exacerber la tendance à la concentration et à la standardisation au sein du secteur culturel.


Le futur de la culture est celui de l’humanité celui de son génie, de son identité et de sa liberté de créer. La réponse doit être pratique, inclusive et ajustée. Pratique car la complexité engendre souvent l’échec. Inclusive car les acteurs de la culture sont tellement nombreux et hétéroclites qu’il serrait chimérique de les fédérer tous autour d’un projet standard. Enfin ajustée en raison de la complexité du monde et des sociétés qui le composent ce qui impose de la souplesse dans toute approche.


Un début de solution est d’ores et déjà apporté par les nombreuses initiatives encouragées par les Etats membres de l’ICESCO mais la solution relève de la volonté de concevoir une diplomatie culturelle forte et engagée au service d’un développement renouvelé.

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