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Valorisation du patrimoine culturel comorien : Quel rôle pour la société civile ? Cas du Collectif du Patrimoine des Comores

Updated: Apr 11


Hichem Aboubacar







Hichem Aboubacar


Doctorant en Tourisme, Patrimoine et Gestion Territoriale à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaine, Université Cadi Ayyad Marrakech.



 
 

 

Plan

 

Résumé


Français

La gestion du patrimoine culturel demande une intervention de multiples acteurs impliquant l’engagement de toutes les parties concernées à savoir l’etat, les collectivités territoriales et les associations de la société civile ayant pour mission de veiller au respect, à la valorisation, la protection et la promotion du patrimoine culturel.


C’est dans cette optique que notre étude vient mettre en lumière le rôle de la société civile dans la gestion du bien patrimonial en se basant sur le cas d’une association comorienne dénommée «Collectif du Patrimoine des Comores» qui ne cesse d’œuvrer dès sa création dans la préservation, la promotion, la gestion, la conservation et la restauration du patrimoine culturel comorien.

Anglais

 

Introduction


Depuis son indépendance en 1975, les Comores ont déployé des efforts dans le but de valoriser le patrimoine culturel en tant que levier de développement économique et social. C’est dans ce sens qu’a été promulguée le 16 Février 2021, la loi N°20-033 du 29 décembre 2020, portant protection du patrimoine national culturel et naturel en Union des Comores.


Depuis son adhésion à l’UNESCO en 1977, le pays s’est engagé progressivement dans la protection et la valorisation de son patrimoine culturel, en ratifiant la Convention de 1972 sur la protection du patrimoine mondial en 2000, la Convention de 2003 sur la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, et la Convention de 2005 sur la diversité des expressions culturelles en 2013. Ces conventions internationales offrent un cadre structurant pour orienter les politiques nationales en matière de préservation et de promotion du patrimoine culturel.


Toutefois, si la volonté étatique demeure toujours active, « le sentiment d'appartenance à la communauté pour préserver le patrimoine culturel se traduit par des associations de bénévoles et des organisations non gouvernementales » pour sa sauvegarde. (Benimmas, Boutouchent et Kamano, 2014 : 13). De ce fait l’article 17 de la convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel dispose que « Les Etats parties à la présente convention envisagent ou favorisent la création de fondations ou d'associations nationales publiques et privées ayant pour but d'encourager les libéralités en faveur de la protection du patrimoine culturel et naturel défini aux articles l et 2 de la présente Convention. »[1] Ainsi que l’Article 15 de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel qui indique « Dans le cadre de ses activités de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, chaque État partie s’efforce d’assurer la plus large participation possible des communautés, des groupes et, le cas échéant, des individus qui créent, entretiennent et transmettent ce patrimoine, et de les impliquer activement dans sa gestion ».[2] Donc le tissu associatif joue un rôle significatif dans la valorisation, protection, promotion et gestion du patrimoine culturel. En effet, la société civile peut intervenir dans la gestion du patrimoine par deux entrées : action / pression.


Premièrement, la société civile peut stimuler l’environnement social en agissant au bas de l’échelle au niveau de la masse par les actions de sensibilisation, la gestion du patrimoine et l’éducation patrimonial.


Deuxièmement, elle peut utiliser la pression pour concéder des compromis politiques, des repositionnements socio-économiques et juridiques[3]. C’est donc à travers ces deux mécanismes que la société civile peut participer positivement à la valorisation du patrimoine culturel.


En conséquence, cette étude cherche à mettre en lumière les efforts de la société civile comorienne dans le domaine du patrimoine culturel, en mettant l’accent sur les initiatives de l’association « Collectif du Patrimoine des Comores » à cet égard.


Problématique

Les Comores ont déployé des efforts significatifs pour valoriser leur patrimoine culturel dans le but de stimuler le développement économique, notamment à travers le secteur touristique par le biais des institutions gouvernementales dédiées à la préservation et à la valorisation du patrimoine, telles que la direction des Arts et de la Culture, Centre National de Documentation et de Recherche Scientifique (CNDRS) et la direction Nationale du Tourisme et de l’Hôtellerie. Néanmoins, ces efforts nécessitent l’intervention de divers éléments de la société civile en tant que partenaire de l’État dans la gestion du patrimoine culturel.


C’est dans ce contexte qu’émerge une question centrale à savoir : Comment la société civile, notamment le Collectif du Patrimoine des Comores, peut-elle contribuer à la valorisation du patrimoine culturel comorien à travers ces multiples initiatives ?


Objectifs

Dans le cadre de cette étude, nous cherchons à atteindre plusieurs objectifs notamment :

  • Déterminer les interventions de la société civile dans le domaine du patrimoine culturel.

  • Comprendre l’association du Collectif du Patrimoine des Comores et ses actions liées à la valorisation du patrimoine culturel.

  • Identifier les défis que rencontre la société civile dans le domaine du patrimoine culturel.


Méthodologie

L’approche méthodologique de notre étude est basée sur une analyse qualitative s’appuyant sur l’observation et la recherche documentaire comme outils pour la collecte des données avec une étude de cas qui nous aidera à définir la nature des initiatives menées par la société civile dans le domaine du patrimoine au Comores. Nous allons donc analyser notre sujet en partant de l’hypothèse selon laquelle la société civile joue un rôle complémentaire à celui de l’Etat comme acteur principal de la gestion, valorisation, promotion et protection du patrimoine culturel.


Plan

Pour aborder la problématique soulevée, il serait pertinent d'analyser d'abord le rôle de la société civile dans la préservation du patrimoine culturel, ensuite de se pencher sur le cas spécifique du Collectif du Patrimoine des Comores (CPC), et enfin d'examiner les défis auxquels la société civile est confrontée dans ce domaine.


I- Interventions de la société civile dans le domaine du patrimoine culturel


Il existe de nombreux contextes qui offrent la possibilité à la société civile de contribuer à la valorisation du patrimoine culturel, notamment : 


a) Gestion et protection du patrimoine culturel


Certes, la société civile par ces différentes composantes (citoyen, organisations non gouvernementales, associations et les communautés locales), joue un rôle essentiel dans la gestion et la préservation du patrimoine culturel afin de préserver les ressources culturelles et historiques d’un pays.

Les organisations de la société civile peuvent contribuer à la création de lois et de réglementations qui visent à la valorisation du patrimoine culturel. Car ces organisations représentant la société civile sont intégrées de manière accrue dans les mécanismes consultatifs précédant la production du droit. Cette implication accroît leur capacité d’influence et d’action dans leur domaine d’expertise, et apporte un complément utile à l’action de l’État[4].

De ce fait, elles ont la possibilité de faire pression pour l'adoption des politiques plus rigoureuses en matière de préservation des sites historiques, de lutte contre le trafic illicite de biens culturels, ou encore de promotion des droits des communautés autochtones sur leur patrimoine[5].


La société civile participe également à des projets de numérisation des œuvres et des sites patrimoniaux, ce qui facilite leur accès. Ces initiatives contribuent non seulement à la sauvegarde de la mémoire de certains sites et œuvres menacées de disparition, mais aussi à leur accessibilité au plus grand nombre. Cela englobe des sites web, des bases de données ou des applications pédagogiques[6].


En outre, la gestion locale des sites culturels et historiques peut être assurée par des associations locales dans certains pays.

Ces organisations ont la possibilité de travailler en partenariat avec les autorités locales et les institutions culturelles afin de garantir l'entretien, l'organisation d'événements culturels et le développement durable du patrimoine[7].


Il est à noter que la communauté locale, souvent possédant des connaissances traditionnelles, peut contribuer à préserver et à diffuser les traditions, les coutumes, les langues et les compétences qui font partie de leur patrimoine culturel, et cela conduit forcément au renforcement de l'appropriation locale du patrimoine, ce qui diminue les risques de disparition ou de déclin[8]. En ce sens, les initiatives de citoyens constituent un exemple de fonction d’articulation de la société civile. Les citoyennes et citoyens y abordent souvent des problèmes touchant un domaine d’expérience direct et s’organisent en vue d’agir directement, sans passer par l’intermédiaire de partis ou d’associations[9].

De cette manière, grâce à ses diverses actions, la société civile participe à la mise en valeur du patrimoine culturel matériel et immatériel.


b) Rôle médiateur de la société civile


Le médiateur culturel est défini comme un acteur clé dont le rôle est de réduire l’écart entre l’univers culturel et la société. Selon Bernard Lamizet, « le médiateur culturel comme une figure qui intervient pour faciliter les interactions entre les œuvres culturelles, les artistes et le public »[10]. Dans ce sens, la société civile peut jouer le rôle de médiateur culturel, en agissant comme pont entre les acteurs institutionnels et les communautés locales d’une part, et comme intermédiaire entre les communautés locales et son patrimoine culturel d’autre part.


Des études scientifiques montrent que « la société civile peut contribuer à ouvrir des voies efficaces de production, de rassemblement et d’articulation de valeurs communautaires et d’intérêt sociaux, en dehors des partis politiques et de parlements. Les sujets privés et sociaux sont alors abordés par la société civile et véhiculés auprès de l’opinion politique. La société civile agit ainsi comme intermédiaire entre les citoyens et l’Etat »[11], Dans ce contexte elle a pour mission de sensibiliser, d'éduquer et de mobiliser autour des enjeux patrimoniaux.


Donc, la participation communautaire est facilitée par les médiateurs de la société civile qui rapprochent les citoyens des processus décisionnels liés au patrimoine et en les impliquant dans la gestion et la valorisation des biens culturels, valorisant ainsi une appropriation sociale du patrimoine.  Et cela entre dans la fonction participative de la société civile par laquelle les organisations de la société civile œuvrent à accroitre la motivation et la capacité des communautés locales à participer à l’événement politique, ou ce qu’on appelle la socialisation démocratique et participative des citoyens[12].


Par conséquent, on peut considérer la médiation culturelle comme étant un outil qui sert à impliquer les communautés locales dans la valorisation de son patrimoine culturel, ce qui encourage forcément un sentiment d’appartenance et de responsabilité commune vis-à-vis de ce patrimoine et qui accentue la corrélation entre l’identité collective et le patrimoine.

La société civile vise principalement à susciter l’intérêt du grand public pour une question donnée en fournissant des informations sur des sujets dont les gens se préoccuperaient davantage s’ils en étaient conscients. La sensibilisation aux attentes juridiques et démocratiques, aux obligations et aux problèmes éventuels améliore la compréhension du public concernant cette question. Les campagnes d’éducation, de sensibilisation et d’information du public améliorent les connaissances et peuvent renforcer l’expérience de la population en la matière[13].


Ainsi, dans le domaine patrimonial, les organisations de la société civile peuvent jouer un rôle d'éducation et de sensibilisation envers le grand public, comme elles peuvent organiser des activités pédagogiques, des expositions et des ateliers afin de mieux appréhender l'importance du patrimoine culturel.


En somme, la société civile est un médiateur culturel qui œuvre à l’interprétation et le transmet des valeurs liées aux monuments historiques et aux traditions culturelles à travers plusieurs activités telle que l’éducation, la sensibilisation entre autres.


II- Cas du Collectif du Patrimoine des Comores


Après avoir examiné la façon dont la société civile intervient dans la valorisation du patrimoine culturel, nous consacrerons cette partie de notre étude aux efforts de l’association le Collectif du Patrimoine des Comores.


a) Genèse du Collectif du Patrimoine des Comores


Le collectif du patrimoine des Comores est une association de Comoriens de la diaspora et d'amis des Comores, créé le 10 juin 2006 à Paris. Il est le fruit de la collaboration entre les associations Msaanda et Msaydiye, qui ont été les premières à aborder le sujet au sein de l'Union. Le Collectif a pris l'engagement de valoriser le patrimoine architectural de ces îles. Elle vise à :

  • Obtenir la reconnaissance et le classement des sites et monuments remarquables de l’ile de Ngazidja, Ndzouani et Mohéli au Patrimoine Mondial de l’Unesco afin de mettre fin à la dégradation et à la destruction auxquels ils font face quotidiennement.

  • Mieux faire connaître ce patrimoine en France, dans le Monde et dans les îles des Comores afin que ces richesses culturelles et naturelles soient pour le pays un atout de développement touristique ainsi que pour les comoriens de la Diaspora un vecteur d’épanouissement de leur identité.

  • Susciter et organiser des partenariats entre les états, les organismes internationaux, les entreprises et les particuliers pour contribuer au rayonnement de notre culture.

  • La restauration des sites patrimoniaux comoriens en péril comme l’Ujumbé, la citadelle de Mutsamudu, le palais Mawana …etc, afin que les habitants se les réapproprient[14].

Par conséquent, les initiatives du collectif portent sur la sensibilisation au patrimoine des îles, la restauration et la conservation du patrimoine depuis une dizaine d'années, la formation de guides touristiques en partenariat avec des partenaires internationaux.  

 

b) Les actions menées par le CPC pour la valorisation du patrimoine comorien


Depuis sa création, l’association Collectif du Patrimoine des Comores a entrepris d’énormes efforts pour valoriser le patrimoine comorien, qui peuvent être classé comme suit :


o   Actions liées à la patrimonialisation des sites

    Dans ce cadre, cette association œuvre notamment pour l’inscription des sites historiques et culturels sur la liste de patrimoine mondial de l’UNESCO, et ses activités ont conduit à :

  • Inscription des Sultanats historiques des Comores sur leur Liste indicative en 2007.

  • Initialisation, en 2008, d’un projet visant à recenser le patrimoine architectural et urbain des Sultanats des Comores.

  • Elaboration d’un recueil de relevés du patrimoine architectural et urbain des Sultanats des Comores,  dans le but de mieux connaître et préserver le patrimoine architectural, urbain et paysager des Comores, un recueil de relevés a été élaboré par l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et du Paysage de Lille (ENSAPL) sous la direction de Suzanne Hirschi, architecte et enseignante à l’ENSAPL et de Chéhraza de Nafa, architecte et urbaniste, spécialiste du patrimoine, et avec l’appui du Collectif du Patrimoine des Comores.

Cette démarche visait à créer une base documentaire, afin de constituer un ensemble de documents graphiques utiles pour la compréhension et la préservation, ainsi que pour la mise en œuvre d'outils de planification et d'aménagement du territoire[15].


o   Actions de sensibilisation

   Cette association mène spécifiquement une campagne de sensibilisation auprès des jeunes pour les engager dans la préservation du patrimoine, par exemple le 21 Aout 2019 le collectif a mené une campagne de sensibilisation contre la dégradation de la citadelle et le laisser faire des autorités en place et la méconnaissance générale de l’histoire des sultanats des Comores. Aussi il a lancé une caravane de sensibilisation dans les milieux scolaires en faveur du patrimoine le 14 décembre 2021, cette caravane s'est déroulée les 14, 15 et 16 dans le but de compléter le volet éducation au patrimoine prévu par le chantier 2021, afin d'inculquer aux jeunes l'amour du patrimoine. L'avenir du patrimoine nécessite l'engagement des jeunes dans sa protection, sa transmission et sa valorisation[16].


o   Actions liées à l’éducation patrimoniale

Cette association organise de nombreux événements et manifestations liés à l’éducation culturelle et patrimoniale, notamment l’organisation de campagne de l’abécédaire le 12 Avril 2009, lors de cet événement le livret "Raconte-moi ton patrimoine" a été mis en avant. Ce livret a été réalisé lors du concours de dessin "Raconte-moi le patrimoine de ta famille, de ta ville, de ton île" organisé en mai 2008 par le Collectif du patrimoine des Comores, en partenariat avec l'École nationale supérieure d'architecture et de paysage de Lille, l'Université des Comores et le CNDRS. À travers des illustrations et des photographies, il évoque différents monuments comoriens. Présenté de manière ludique, ce livret propose une partie rédigée en français et une partie en comorien, s'adressant ainsi aux jeunes Comoriens désireux de découvrir leur culture, mais également aux adultes souhaitant acquérir quelques notions de base sur la culture comorienne.


o   Activités de nettoyage et de réhabilitation

Le collectif organise aussi des opérations de nettoyage des sites et monuments historiques et culturels des Comores dans le but de devenir un moment privilégié chaque année, favorisant ainsi l'accès des Comoriens à l'histoire et aux traditions des villes et Médinas de l'archipel des Comores. Cet événement a donc contribué à mettre en évidence la richesse et la diversité du patrimoine comorien, permettant ainsi de mettre en place des actions quotidiennes pour sa restauration, sa protection, sa mise en valeur, et pour partager ses richesses avec le plus grand nombre[17].


En résumé, cette association contribue de manière significative à la valorisation du patrimoine culturel comorien par ses activités de sensibilisation, d’éducation, réhabilitation, nettoyage et de sauvegarde.


III- Défis de la Société civile pour la valorisation du patrimoine culturel aux Comores


Bien que les organisations de la société civile comorienne connaissent d’importants progrès dans le domaine du patrimoine culturel, elles sont cependant confrontées à de nombreux obstacles et défis pouvant être énumérer comme suit :


a) Manque d’expertise


Parmi les premiers défis qui entravent les efforts déployés par les associations c’est le manque d’expertise au niveau de la gestion de projet patrimonial et le manque de concertation des différents acteurs locaux ou internationaux œuvrant dans la localité. Ce manque de capacité entraine des actions spontanées, certes bienvenues, mais sans objectif bien défini, sans moyens recensés ni programmation précise, ce qui entraîne certaines incohérences[18].


En effet, la volonté de préserver l’héritage local fait parfois primer la conservation sur la connaissance – c’est le cas d’interventions irréversibles exécutées en employant des matériaux récents non compatibles avec les matériaux originels. Ces interventions sont ainsi susceptibles, selon les contextes, de prévenir ou d’accélérer la dégradation du patrimoine des Comores.[19]


Mais ces derniers n’arrivent pas à mettre en place des projets de gestion du patrimoine. Car ils n’ont pas de formation dans ce domaine.


A cela s’ajoute l’incapacité de ces organisations à élaborer de projet propre avec des activités cohérentes et une continuité satisfaisante. A l’inverse, elles ont une grande utilité en « organisme intermédiaire », c'est‐à‐dire en exécuteurs de projets élaborés par les bailleurs de fonds. Elles ne sont donc généralement pas créatrices d’activités, mais plutôt catalyseurs d’activités exogènes[20]. De ce fait, au lieu de soumettre leur propre proposition de projet, n’ayant pas suffisamment de compétence requise en matière de conception, de pilotage et de gestion de projet, elles se contentent donc d’exécuter les projets qu’ils leurs sont soumis par les bailleurs de fond.


Cela conduirait à la mise en œuvre des projets et programmes des bailleurs de fond même s’ils ne sont pas directement liés aux tâches pour lesquelles ils ont été créés, et pourrait entraîner une redondance importante en l’absence d’un projet de bailleurs de fond.

Dans les deux cas, le manque d’expertise et de compétences dans le domaine du travail des organisations de la société civile peuvent nuire à leurs activités, surtout que les activités telles que la restauration et la promotion du patrimoine culturel nécessitent des compétences particulières liées à la construction, communication et autres.


b) Soutien institutionnel limité


Un autre défi qui freine les efforts de la société civile comorienne en matière de valorisation du patrimoine culturel, c’est le manque de coordination entre l’Etat et les organisations.

Cela s’applique aux organisations de la société civile des Comores, car le gouvernement ne leur fournit pas un soutien suffisant pour leur permettre de mener leurs activités efficacement. Cela est dû, entre autres, à une crise identitaire couplée au manque d’engagement, de dévouement et d’intérêt des institutions responsables de la culture[21].


Dans le domaine du patrimoine culturel, les Comores sont témoins d’un développement croissant du nombre d’acteurs locaux œuvrant à la promotion, à la protection et à la valorisation du patrimoine culturel tels que les associations de la société civile , les groupes de scouts, etc…, et malgré le désir de ces organisations de coopérer avec les acteurs gouvernementaux,  ces organisations ne sont pas nécessairement reconnus par ces derniers qui peuvent néanmoins jouer un rôle de coordination pratique et scientifique[22].


Cela entrave les efforts de ces organisations dans le domaine du patrimoine, compte tenu du dédoublement des efforts, de la promesse d’accès aux ressources financières et à l’information, et de leur incapacité à influencer les politiques publiques liées au patrimoine culturel.


Dans ce contexte, la présidente du Collectif du Patrimoine des Comores souligne que « les missions de CPC sont généralement portées par un gouvernement, or l’Etat comorien, n’a pas encore pris la mesure de sa responsabilité dans l’accompagnement des associations en vue de réaliser leurs objectifs »[23].


Donc, cette association accomplit des tâches qui sont supposées être assumées par le gouvernement, ce qui fait d’elle l’un des acteurs principaux dans la protection, la promotion et la valorisation du patrimoine culturel comorien, cependant elle ne bénéficie pas même l’aide de l’Etat qui, en principe, devrait mener toutes les activités visant à valoriser le patrimoine culturel.


A cet égard, la présidente du CPC a souligné que : « Le gouvernement pourrait être tenu responsable de ne pas avoir pleinement assumé son rôle d’appui et d’accompagnement à la société civile, tout en rencontrant des défis dans la gestion des emplois au sein de la fonction publique »[24].


Ainsi, force est de constater qu’il y’a un manque de coordination et d’accompagnement de la part du gouvernement aux actions menées par les organisations de la société civile dans le domaine de la valorisation du patrimoine culturel comorien, ce qui affaibli ces actions.


c) Problème de financement


Il est bien évident que la protection, la promotion et la valorisation du patrimoine culturel nécessitent l’utilisation de nombreuses ressources financières pour la restauration, l’entretien et même la promotion de ce patrimoine culturel.


L’intervention des organisations de la société civile pour valoriser et promouvoir le patrimoine culturel dépend de la disponibilité des ressources financières. Nous notons cependant que ces organisations manquent souvent de fonds pour mettre en œuvre leurs projets, surtout dans les pays en développement.


Par exemple, aux Comores, la plupart des organisations de la société civile agissent comme intermédiaires dans les projets des donateurs et mènent rarement leurs propres activités indépendantes[25], Sans doute en raison d’un manque de moyens financiers.


Généralement, il existe de nombreuses façons pour les organisations de la société civile d’obtenir des fonds pour mettre en œuvre leurs projets dans leur sphère de compétence, y compris le financement gouvernemental afin que les gouvernements locaux et nationaux soutiennent ces organisations par des subventions ou des programmes de partenariat, Mais la perception négative de ces organisations peut être évitée, car certains États les considèrent comme des concurrents et non pas comme des partenaires. Cela affecte sans doute l’aide financière qu’ils doivent apporter à ces organismes.


De plus, les organisations de la société civile peuvent compter sur le financement d’organismes internationaux tels que les Nations Unies, l’UNESCO ou l’ICESCO, notamment ceux qui s’occupent du patrimoine culturel pour financer leur projet, Mais la plupart de ces organisations n’ont pas suffisamment d’expertise pour accéder à ces organisations et bénéficier du financement.


En l’absence de financement gouvernemental et de financement des organisations internationales, les organisations de la société civile dépendent souvent des avantages sociaux, des contributions volontaires et des dons, qui sont des sources de financement non garanties, ce qui crée une pénurie de ressources financières.

Donc, le manque de financement entrave les efforts déployés par les différentes organisations de la société civile comorienne y compris celles qui œuvrent dans le domaine du patrimoine culturel.


d) Difficulté de toucher le public


En fin, l’action des organisations de la société civile pour la valorisation du patrimoine culturel aux Comores est freinée par l’incapacité de toucher la communauté locale et rurale, ce qui rend difficile l’accès à l’information et à la participation de tout le public dans les initiatives de valorisation du patrimoine.


La participation communautaire est sans aucun doute l’un des moyens et mécanismes de promotion et de valorisation du patrimoine culturel, afin que ces communautés puissent jouer un rôle actif dans la gestion de leur patrimoine culturel en favorisant les liens sociaux et en promouvant un sentiment d’appartenance qui assure une plus grande durabilité des projets patrimoniaux.


Pour que les communautés ou les populations locales participent à la gestion et à la promotion de leur patrimoine culturel, il faut que l’importance de ce patrimoine soit sensibilisée par des organisations de la société civile. Mais ce dernier est souvent incapable de le faire en raison des problèmes liés à la communication et du manque d’expérience dans le domaine. Cela empêche l’accès aux communautés et par extension leur participation à la valorisation et à la promotion de leur patrimoine culturel.


Conclusion


Nous aimerions souligner à la fin de cette étude que la valorisation du patrimoine culturel comorien nécessite un engagement collectif, et que l’association « collectif des patrimoines des Comores » joue un rôle déterminant sur la restauration, réhabilitation, patrimonialisation, gestion et la sauvegarde de ce patrimoine. Il ne se limite pas à sensibiliser et à éduquer, mais il joue un rôle actif dans la gouvernance, la protection et la valorisation des patrimoines, en mettant les communautés locales au centre des initiatives.

Cependant, l’efficacité des efforts de cette association dépend d’une meilleure gestion de lacunes liées, entre autres, au financement, à la coopération avec l’Etat. A cette fin, il est nécessaire de :

  • Coopérer avec les instances gouvernementales qui opère dans des domaines liés au patrimoine culturel ;

  • Proposer des projets innovants en liaison avec le patrimoine culturel comorien ;

  • Collaborer avec les organismes internationaux qui œuvrent dans le domaine du patrimoine notamment l’UNESCO, l’ICESCO, l’ICOMOS, l’ICCROM…Etc, mais aussi avec les associations et organisations non gouvernementales nationales qui opèrent dans ce domaine ;

  • Renforcer la capacité des membres des organisations de la société civile comorienne œuvrant dans le domaine du patrimoine culturel ;

  • Jouer leur rôle de médiateur culturel afin d’intégrer la communauté locale dans le processus de valorisation du patrimoine culturel comorien ;

  • User les nouvelles techniques d’information et de communication ainsi que les réseaux sociaux pour toucher un public plus large.


Nous pouvons déduire que la société civile comorienne joue un rôle fondamental dans la valorisation du patrimoine culturel étant l’acteur principal dans ce domaine en l’absence du rôle du gouvernement, mais l’efficacité de ses efforts dépend de la nécessité de relever les divers défis et obstacles auxquels elle est confrontée.


 

Bibliographie


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Zoubida Senoussi, « MyEssaouira », une application dédiée à la découverte d’Essaouira, article publié sur Hespresse, le 03 Octobre 2021, disponible sur le lien suivant :


 

Notes


[1] Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, Adoptée par la Conférence générale à sa dix-septième session Paris, 16 novembre 1972, Publié en décembre 2021 par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, P10.

[2] Convention de 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, adopté par la Conférence générale de l'UNESCO le 17 octobre 2003, P.18

[3] Mohamed Ben Attou, Agadir gestion urbaine, stratégies d’acteurs et rôle de la société civile : urbanisme opérationnel ou urbanisme de fait ? Revue algérienne d’anthropologie et de sciences sociales, 2023,  https://doi.org/10.4000/insaniyat.6860.

[4] Conseil d’État, L’État sous la pression de la société civile ? Conférence du Conseil d’État – 27 novembre 2013, p5.

[5] La Convention de l’UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (2003) reconnaît le rôle des communautés et des ONG dans l’identification et la protection du patrimoine, en particulier lorsqu'il s'agit de patrimoine immatériel.

[6] Cameron, F., & Kenderdine, S. (2007). Theorizing Digital Cultural Heritage: A Critical Discourse. Cambridge, MA: MIT Press.

[7] Graham, B., & Howard, P. (2008). The Ashgate Research Companion to Heritage and Identity. Aldershot: Ashgate.

[8] Galla, A. (2012). Participatory Culture and Sustainable Development. UNESCO.

[9] Nina Cvetek, Friedel Daiber et Friedel Daiber, QU’EST-CE QUE LASOCIETE CIVILE ? KMF-CNOE, en partenariat avec la Friedrich-Ebert-Stiftung, Antananarivo, octobre 2009, p11.

[10] Lamizet, Bernard. La Médiation Culturelle. Paris : L’harmattan, 2000.

[11] Ibid, p11.

[12] Ibid, p10.

[13] Le centre de Genève pour la gouvernance du secteur de la sécurité, LA SOCIÉTÉ CIVILE Rôles et responsabilités dans le cadre d’une bonne gouvernance du secteur de la sécurité, disponible sur : https://www.dcaf.ch/sites/default/files/publications/documents/DCAF_BG_17_CivilSociety_FR.pdf , p5.

[14]  Collectif du patrimoine des Comores, voir le site officiel de l’association via le lien suivant : http://www.patrimoinecomores.org/collectif/#:~:text=Le%20Collectif%20du%20Patrimoine%20des,Paris%20(dans%20le%2018%C3%A8me). Visité le 18/09/2024.

[15] UNESCO, Réalisation d’un recueil des relevés du patrimoine architectural et urbain des Sultanats des Comores, disponible sur le lien suivant : https://whc.unesco.org/fr/actualites/1261 , visité le 20/09/2024.

[16]Site officiel de l’association collectif du patrimoine des Comores ,  ACTIVITÉS DE VOTRE ASSOCIATION, voir le lien suivant : http://www.patrimoinecomores.org/collectif/index.php/actualites/articles-archives

[17] Collectif du patrimoine des Comores, NOUVELLES DU COLLECTIF DU PATRIMOINE DES COMORES EN NOVEMBRE 2015, voir le lien suivant : http://www.patrimoinecomores.org/collectif/index.php/actualites/articles-recents/50-nouvelles-du-collectif-du-patrimoine-des-comores-en-novembre-2015

[18]  Héron Raphaëll, Le tissu associatif comorien : La société civile pour une meilleure exécution du développement agricole : Forces et faiblesses, relation avec les financeurs, Programme National de Développement Humain Durable Etude de cas n°3, 1 Programme National de Développement Humain Durable Etude de cas n°3, p7.

[19] Jean Bernard, Mohamed Hamadi, Charles Viaut, Léo Davy. Le patrimoine bâti des Comores : périodi-

sation et reconnaissance. Patrimoines : revue de l’Institut national du patrimoine, 2022, 17, pp.123-

129. halshs-03819158, p129.

[20] Héron Raphaëlle, op.cit, p9.

[21] Muzdalifa House, Une histoire du Collectif du patrimoine des Comores, disponible sur :

[22] Jean Bernard, Mohamed Hamadi, Charles Viaut, Léo Davy, op.cit P.129

[23] House, Une histoire du Collectif du patrimoine des Comores, op.cit

[24]Héron Raphaëlle, op.cit, p9.

[25] Ibid.

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